Erreurs médicales , négligences et non lieu pour le décès de ma maman

Posted in Humeurs
on février 16, 2021

Le 16 février 2017, a été la journée la plus difficile de ma vie. J’ai perdu ma maman à cause de deux erreurs médicales. Aujourd’hui, j’ai envie de partager cette partie de ma vie. Je n’en avais pas parlé auparavant car je ne le pouvais pas, mais le procès s’est terminé par un non-lieu et le dossier a été classé sans que les responsables de la mort de ma maman soient accusés.

Il y a quatre ans, ma maman était très mal depuis plus de 48 heures. Le 15 février, nous avions passé la journée à l’emmener passer des examens, la dernière journée qu’elle a passée avec nous, avec mes enfants, avec moi ! Alice était si petite et pourtant, en y réfléchissant, j’ai l’impression qu’elle savait que c’était la dernière fois qu’elle allait la voir. Elle lui faisait encore plus de câlins que d’habitude, elle ne la lâchait pas dans la salle d’attente pour le scanner, elle ne voulait être qu’avec sa mamie.

C’est aussi le 15 février que maman, infirmière depuis toujours, m’a dit que c’était la fin, qu’elle allait mourir !

C’est aussi ce jour-là que j’ai commencé à détester ma sœur, cette personne qui a osé dire à sa mère, alors qu’elle était au plus mal, qu’elle en avait ras le bol de la trimbaler aux différents examens ! Pour la dernière prise de sang, j’ai appelé mon conjoint, je lui ai demandé de rentrer immédiatement. Au laboratoire, j’ai commencé à remarquer qu’elle avait le teint jaune, les doigts jaunes et quand on a un minimum de connaissances, ce n’est jamais bon signe.

Après la prise de sang, nous avons ramené ma maman chez elle, bien qu’elle ne voulait absolument pas venir à la maison. Je lui ai donné ses médicaments, je l’ai couverte de bisous, je lui ai dit que je l’aimais et à demain !

Le 24/24 a appelé pour lui dire que la prise de sang n’était vraiment pas bonne, qu’elle lui envoyait une ambulance pour la conduire à l’hôpital. Je ne voulais pas qu’elle se rende dans cet hôpital, connu pour être un cercueil ambulant, mais comme à l’habitude de maman, elle a refusé que mon conjoint l’emmène à Lyon. Alors Steven s’est simplement rendu chez elle pour l’aider à se lever, pour aller dans l’ambulance, et il aura été le dernier à la voir vivante.

Des heures d’attentes , une nuit blanche , une fin terrible 

‘ai passé la nuit à écrire à ma maman pour avoir des nouvelles, pour savoir si elle avait vu un médecin. Les deux premières heures, j’ai reçu des SMS cohérents, puis des messages qui ne voulaient absolument rien dire. L’une de mes nièces a également reçu un message incohérent ; peut-être essayait-elle de nous dire quelque chose.

À 8h, j’ai pris le téléphone pour appeler l’hôpital car je n’avais aucune nouvelle. On m’a simplement dit qu’elle était en attente pour passer un scanner et qu’ils me rappelleraient pour me donner des nouvelles.

À 11h, n’ayant toujours pas de nouvelles, je me permets de rappeler, mais ma maman n’est toujours pas passée au scanner et aucune nouvelle ne m’est donnée.

À 14h, je reçois enfin un appel pour me dire qu’ils ont trouvé le problème : elle a des calculs qui ont migré dans le cholédoque, donc elle fait une hépatite. Ils ne peuvent pas l’opérer pour le moment, ils vont la transférer aux soins intensifs pour la soigner, afin qu’elle puisse être opérable par la suite.

J’appelle mon frère, ma sœur, et après avoir raccroché, l’hôpital me rappelle à nouveau. Avant même que je décroche, je sais parfaitement pourquoi ils appellent. Le médecin me dit de venir tout de suite, qu’elle est dans un état grave. Je lui dis de ne pas me mentir, que je suis fille d’infirmière et que je sais parfaitement pourquoi il me dit de venir.

Je m’efforce de ne pas craquer devant mes enfants, de rappeler ma sœur, mon frère, mon conjoint pour qu’ils viennent tout de suite ! Je laisse mes enfants à l’une de mes nièces. Nous attendons 2h dans une salle sans que personne ne vienne nous voir, nous donner des explications, nous expliquer l’état de ma maman ! 2h où je sais parfaitement dans ma tête que je n’ai plus de maman, 2h où je m’en veux de ne pas l’avoir emmenée à Lyon, 2h où j’ai envie de vomir…

Le chef du service de réanimation vient nous chercher, je ne me rappelle pas de toutes les paroles qu’il a prononcées, cette partie est très floue dans ma tête ! Je me rappelle par contre très bien qu’il a dit : « Oups, désolé nous avons fait une bourde « , et que mon conjoint a failli faire valdinguer le bureau ! Je me rappelle lui avoir dit : « Comment pouvez-vous parler de cette manière alors que ma maman est morte ! Comment pouvez-vous dire qu’il y a eu une erreur, mais on ne sait pas comment cela s’est déroulé ? » Je me rappelle lui avoir dit que ça n’allait pas s’arrêter là, que j’allais porter plainte.

Ensuite, nous avons pu aller dire au revoir à ma maman et parfois je regrette d’être allée voir son corps sans vie, cette blancheur, ce froid sur sa joue où je lui ai déposé mon dernier baiser, de l’avoir enlacée une dernière fois. J’avais envie de la secouer, de lui dire de se réveiller… un cauchemar, ce n’était pas possible, elle avait seulement 69 ans… j’avais encore besoin de ma maman!

 

Plainte, autopsie , pompe funèbre , enterrement 

Le lendemain, avec mon frère, nous sommes allés directement à la gendarmerie pour déposer une plainte ! J’ai expliqué l’histoire du début à la fin, j’ai remis mon téléphone pour qu’ils puissent récupérer les échanges, je leur ai remis les dossiers de ma maman…

L’agent était si doux, si gentil, si humain, et il m’a dit que ce n’était pas la première famille à qui cela arrivait dans cet hôpital, que c’était connu, mais que les familles n’avaient jamais le courage d’aller jusqu’à la plainte, et je le comprends parfaitement, car c’est vraiment très difficile, c’est vraiment affreux de devoir déposer une plainte quand on a juste envie de sombrer. Je l’ai fait car ma maman l’aurait fait pour nous, je l’ai fait pour que cela n’arrive pas à d’autres familles.

Quelques heures après, la plainte est acceptée, l’autopsie est autorisée. Ils partent faire le prélèvement du corps pour le transférer sur le lieu de l’autopsie.

L’autopsie a lieu rapidement et ils me rappellent officieusement et officiellement. Officiellement, ils me disent qu’il y a bien eu des erreurs, officieusement, ils me disent que ma maman n’avait pas de calculs dans le cholédoque, mais qu’elle avait une occlusion intestinale. L’intestin s’est enroulé autour de son éventration liée à sa césarienne qu’elle avait eue pour moi en 1986. Il faut savoir que lorsqu’il y a une occlusion, c’est une urgence chirurgicale, il faut que la personne soit opérée dans les 6 heures pour qu’elle puisse survivre.

La deuxième erreur est qu’elle a fait un arrêt cardiaque car elle n’a pas été mise en position de sécurité, qu’elle était complètement allongée sur le brancard seule, sans personne pour la surveiller, et qu’elle a commencé à vomir sans avoir la force de se redresser, le contenu est parti dans les poumons. Ils ne l’ont pas vue tout de suite, je sais qu’elle est revenue après 20 minutes de massage cardiaque et son cœur a de nouveau lâché.

Nous avons donc pris un avocat spécialisé dans les erreurs médicales, mais elle a dit à mon frère que les hôpitaux étaient si bien protégés que cela finirait par un non-lieu ! Qu’ils auront au pire une petite tape sur les doigts.

Ma maman est partie seule dans d’atroces douleurs, sans personne pour lui tenir la main, sans personne pour la protéger, pour la soigner !

Ensuite, nous avons dû aller aux pompes funèbres et, bordel, personne ne prévient que c’est plus cher qu’une petite voiture, personne ne prévient que chaque option est payante… Nous avons dû faire faire un cercueil sur mesure car ma maman était obèse, nous avons fait le choix de ne pas diffuser d’annonce car c’était une option qui coûtait cher. Nous avons fait le choix de ne pas prendre de pièce pour se recueillir sur notre maman, de ne pas laisser le cercueil ouvert car après une autopsie, le corps est affreux à voir et nous avons bien fait car ils n’ont pas pu l’habiller à cause des œdèmes suite à l’autopsie ! L’hôpital nous a pris notre maman, mais également sa dignité, la possibilité de se recueillir correctement…

À ce jour, je n’ai même pas encore pu lui prendre de pierre tombale, elle a simplement une pauvre croix en bois sur un tas de terre, j’ai si honte. Je n’ai pas les moyens de payer une pierre… le prix est affolant, ce n’est tellement pas normal ! Enterrer une personne, c’est limite aussi cher qu’un mariage !

La cérémonie à l’église a été entourée de toutes les personnes qu’elle aimait, j’ai lu un texte qui lui ressemblait sans arriver à verser une larme, j’étais triste, mais tellement en colère ! J’avais épuisé mon stock de larmes, je n’avais qu’une seule envie, c’était de voir les responsables tomber… J’avais l’impression de vivre un cauchemar éveillé.

J’ai perdu ma maman, mon essentielle, mon pilier, Nathan a perdu la personne la plus importante à ses yeux, son repère, et Alice ne se rappelle même plus de sa mamie et pourtant elles s’aimaient tellement toutes les deux.

Procès et erreurs médicales 

J’ai mis 3 ans à enfin avoir des nouvelles, 3 ans à espérer que les coupables soient punis, 3 ans à vouloir pouvoir les regarder dans les yeux… mais cela n’aura jamais lieu !

Ils ont mis 3 ans à interroger les responsables car suite à cet « incident », il y a eu des mutations, des personnes qu’ils n’arrivaient pas à retrouver… Puis le procès a eu lieu sans que j’en sois informée et un jour, sans prévenir, j’ai reçu une lettre me notifiant que le procureur avait établi un non-lieu, que le dossier était classé.

J’ai également pu lire les témoignages. La première erreur a débuté avec l’infirmière de garde ce soir-là, qui a décidé que maman n’était pas en urgence vitale, qu’elle n’avait pas besoin de passer des examens le soir du 15 février alors que les analyses sanguines étaient affreuses, que ma maman était jaune, qu’elle se vidait et ne pouvait même plus marcher. Elle a donc passé une nuit sans aucune consultation, sans aucun soin prodigué hormis une perfusion de spasfon ! Elle n’a été vue qu’à 9h du matin, elle n’aura pas de scanner avant le début d’après-midi et un diagnostic complètement faux.

Le procureur, suite aux témoignages, conclut que ce furent des erreurs médicales non intentionnelles, des négligences médicales, une erreur humaine par manque de personnel. Que son obésité n’aura pas aidé à détecter le vrai diagnostic. Que de toute façon, comme elle avait passé plus de 6 heures avec son occlusion, elle n’aurait pas pu être sauvée. Personne n’a été radié, l’hôpital n’a reçu aucune sanction et le non-lieu et le classement du dossier ont donc été déclarés.

Aujourd’hui en France, il est impossible de gagner contre un hôpital, contre des médecins qui sont protégés et c’est d’ailleurs pour cela que vous signez des feuilles avant chaque opération : en signant cette feuille, vous protégez les erreurs. Ils ont tué, oui, tué une femme merveilleuse. Elle n’a pas eu les soins qu’elle aurait dû avoir, elle n’a pas eu l’attention qu’elle aurait dû avoir ! Ils savaient que les analyses étaient mauvaises et rien n’a été fait de la nuit ! Ce n’était peut-être pas un crime volontaire, mais cela reste un crime pour moi car elle n’a pas été écoutée, elle n’a pas été prise en charge correctement et nous n’avons pas été entendus par le procureur.

La situation est « inadmissible, injustifiable, inqualifiable ». J’éprouverai toujours de la colère et une envie de justice.

Le pire, c’est que ma maman était infirmière libérale et à soignée et sauvée des vies quasiment toute sa vie 

 

 

 

Warwick-Edimbourg (1)

4 Comments

  • Djahann

    Je comprends ta colère et ta tristesse. C’est inacceptable ce qu’il s’est passé et encore plus que les coupables s’en sortent aussi facilement.

    février 17, 2021 at 7:31 am Reply
  • Sylvie

    J’en ai les larmes aux yeux. Je suis moi-même infirmière, et je sais comment cela fonctionne « de l’intérieur » …. mais le manque de personnel n’excuse pas tout !!!! Je suis très triste pour vous, je me souviens avoir lu tes posts à l’époque. Et de savoir aujourd’hui que rien ne se passe ensuite, on vous laisse dans le néant …. personne n’est coupable si ce n’est ta maman d’avoir été obèse !!! quelle honte !!!!!!
    Je ne peux que t’envoyer des tendres pensées, même si je sais qu’elles n’apaiseront ni la douleur ni la colère…

    février 17, 2021 at 9:42 am Reply
  • GIRARDI AMANDA

    Je fini cette lecture les larmes aux yeux, c’est terrible ce pays où on ne peut rien faire réellement contre les hôpitaux car oui des erreurs c’est pas inédit c’est même trop fréquent… Dans mon cas Papa était malade et serait parti de sa maladie mais beaucoup moins tôt. Et tout ça par manque de surveillance, par l’erreur d’une interne qui oublié une piqûre de chimio et dis « tant pi », par une chute alors qu’il était hémiplégique donc à surveiller et aider…, Puis une hemmoragie l’on fait partir plus vite, plus vite que sa maladie. Nous n’avons pas porté plainte car effectivement ça n’aboutit que rarement.

    mars 23, 2021 at 1:53 pm Reply
  • Auvray Bénédicte

    Je comprends tellement ma grand-mère est décédée suite à des négligences et erreurs de l’hôpital.

    février 13, 2023 at 9:40 pm Reply
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