Je crois que je traverse une dépression prénatale.
Et aujourd’hui, j’ai besoin de poser des mots sur ce que je ressens.
Cette grossesse est arrivée trois ans après mon IMG.
Trois ans après avoir dû interrompre une grossesse, parce que mon bébé, mon fils, était malade.
Une grossesse que j’avais découverte juste après notre mariage… alors que cela faisait déjà deux ans que j’essayais de donner à notre famille un nouvel enfant.
En janvier, je découvre que je suis à nouveau enceinte.
Nous étions en essais, mais au fond de moi, je n’y croyais plus.
Je pensais que ce bonheur de porter la vie m’était désormais interdit.
Alors quand ce miracle est arrivé, je n’ai pas su me réjouir tout de suite.
Dès le départ, un filet de sang. Puis plus rien.
Un test positif. Une prise de sang avec un taux qui explose. Mais à l’échographie… rien.
On évoque une grossesse extra-utérine à surveiller.
Les douleurs du week-end suivant me poussent à faire une autre échographie ailleurs… et là, on le voit.
Mon bébé est là, bien implanté.
Le miracle d’une vie en moi.
Un bébé « arc-en-ciel » qui arrive quelques mois seulement après la perte de mon papa.
Mais je n’ai pas le droit de m’attacher, pas encore.
Il faut attendre le résultat du PVC pour savoir si ce bébé est porteur de la même maladie que son grand frère.
Et l’attente est interminable.
D’autant plus difficile que je suis plus malade que jamais, bien plus qu’à mes grossesses précédentes.
À ce moment-là, mes enfants attrapent une gastro. Je la contracte aussi, violente, épuisante.
Malgré tout, je décide de maintenir le rendez-vous pour le PVC.
Je m’y rends seule, pour la première fois.
Mon mari doit rester avec nos enfants, encore contagieux, et nous n’avons personne d’autre pour nous aider.
La douleur du prélèvement est immense. Pas tant à cause du geste, mais à cause de la solitude, de l’épuisement.
Je peine à marcher jusqu’à la sortie.
J’attends ensuite les résultats, qui arrivent exceptionnellement vite : six jours.
Quand la généticienne m’appelle à 19h un soir, elle me demande :
« Vous voulez que je vous l’annonce par téléphone ou en rendez-vous ? »
Dans ma tête, je me prépare au pire.
Mais elle enchaîne :
« Votre bébé va bien. »
Je pleure toutes les larmes de mon corps.
Je n’y croyais plus.
Et pourtant… les angoisses ne cessent pas.
Je me dis que je n’ai pas le droit d’être heureuse.
Que chaque moment de joie peut basculer en drame.
À 12 SA, alors que je commence enfin à souffler un peu, nous partons nous promener.
Je filme une petite vidéo pour vous annoncer la bonne nouvelle.
Mais le soir même, une douleur au ventre, un minuscule saignement rosé.
Je panique.
La maternité me rassure : « Ça peut arriver, reposez-vous. »
Mais mon anxiété grandit encore.
Depuis ce jour, je vis avec cette peur sourde :
-
peur que son cœur s’arrête ;
-
peur de perdre ce petit être que j’aime depuis le premier test positif ;
-
peur constante, qui m’enferme dans ma tête.
Je n’arrive pas à en parler.
Mon mari ne comprend pas vraiment cette angoisse.
Je n’étais pas comme ça pour Alice, ni pour Nathan — même si pour Nathan, j’ai appris ma grossesse tard, à 6 mois.
À l’époque, j’avais encore ma maman.
Il y a trois ans, j’avais encore mon papa.
Aujourd’hui, ils ne sont plus là.
Et je me sens profondément seule.
Oui, j’ai des amies, mais je n’arrive pas à me confier.
Je sais que rien de ce qu’elles pourraient dire ne réussirait à m’apaiser.
Je me sens bloquée.
Je me sens vidée.
Même les choses qui d’habitude me passionnent ne m’animent plus.
Je n’arrive pas à profiter de cette grossesse, qui file pourtant à toute vitesse,
et qui est la dernière.
Je veux me souvenir.
Je veux graver chaque instant.
Mais je me sens si mal, et j’ai si peur.
On pourrait me dire de « voir le positif », mais la vérité est que ces dernières années ont été terriblement lourdes.
On m’a toujours vue comme forte.
On m’a toujours dit : « Tu es la personne la plus forte que je connaisse. »
Et j’ai toujours dû me relever, encore et encore.
Mais aujourd’hui, j’ai l’impression de ne plus y arriver.
Je souris. Je ris parfois.
Ce n’est pas faux.
Mais souvent, je ressens une tristesse profonde, inexpliquée, que je n’ose partager avec personne.
Je n’ai pas envie qu’on me voie comme « triste » ou « négative », parce que ce n’est pas moi.
Mais la vie m’a arraché tant de choses…
Et au quotidien, à part mon mari et mes enfants, je n’ai personne.
Et puis, il y a eu ce premier rendez-vous à la maternité.
Un rendez-vous censé durer 40 minutes, qui s’est transformé en 7 heures d’attente et d’examens.
Sans mon mari, encore une fois.
Pas de garde possible pour les enfants.
Tension trop haute. Bébé dont on n’entend pas le cœur tout de suite.
Grossesse « à risque ».
Âge « avancé ».
Je n’ai pas ressenti de bienveillance ce jour-là.
Je suis sortie de ce rendez-vous plus angoissée que jamais, avec une peur panique des rendez-vous médicaux, peur d’être hospitalisée, peur d’être jugée.
Même les rendez-vous suivants — comme la T2, pourtant très rassurante avec ma sage-femme — n’ont pas suffi à calmer cette angoisse.
Encore une fois, j’étais seule.
Physiquement, aussi, cette grossesse est différente.
Des douleurs ligamentaires intenses.
Des douleurs au sacrum.
Des pertes blanches très abondantes qui, semaine après semaine, amplifient mon angoisse de fissure de la poche des eaux.
À chaque nouveau symptôme, mon cerveau imagine le pire.
Ce soir, j’ai mon rendez-vous pour le contrôle du 5e mois.
Et je suis terrifiée.
Terrifiée d’apprendre une mauvaise nouvelle.
Terrifiée qu’il m’arrive quelque chose et que mes enfants se retrouvent sans leur maman.
Terrifiée qu’il arrive quelque chose à mon bébé.
J’ai du mal à rationaliser.
J’ai du mal à faire taire mes peurs.
Et je n’aime pas être comme ça.